Camille Claudel

Camille Claudel
Les causeuses, détail.

16) LES RESILRIENS/ DEUXIÈME PARTIE


Moi
ça dépend
de ce que je montre
mais depuis quelques années
on veut absolument me coller ce mot sur le dos
au début
suis polie et maîtrisée
non merci
à la fin je m'énerve
obligé
je me lâche
pas grand chose
juste pour être clairement entendue
non
je n'en veux pas de ce mot
j'en ai des milliers d'autres à ma disposition
pour dire
en outre je n'aime pas les mots qui enferment ou excluent
et puis
ce n'est pas vrai
je suis la parfaite résilrien
si
je peux le prouver
me prendre en exemple
comme par hasard
évidemment
je ne pouvais pas rejoindre au fond de la classe
mes compagnons et compagnes de sévices
cause que
j'avais la reine derrière mon épaule
par contre
attention
pour le reste
les fugues le foyer la rue la défonce
je pense avoir rattrapé mon retard
haut la main
suivi le parcours comme convenu
enfin
presque
je n'ai pas été en prison
personne n'est parfait.
Suis pas morte j'ai dû me relever
c'est tout ce que ça veut dire
rien de moins rien de plus
sinon
je n'ai que joui de ce qui me détruit
toute ma vie
j'ai subi autant que j'en redemandais
sans le savoir évidemment
suis pas masochiste
nous autres
les résilriens
on en redemande
pas par plaisir
non
c'est juste que
on a besoin de souffrir pour oublier de quoi on souffre réellement
comme par exemple
on hurle plus fort que l'autre pour ne plus l'entendre
cependant
entre-temps comprendre m'a nuancée à mon égard
je travestis ça en récompense
oui
la fameuse récompense
qui démolit en une seconde
des mois de laborieuse reconstruction
la cerise sur le gâteau
j'en raffole.
Non non non
je n'ai jamais rien résilié
seulement réalisé les contradictions de la reine
autrement dit
j'ai été tout et son contraire
en quelque sorte
suis la synthèse de ma mère
et je n'ai pas d'autre appartenance au monde
que ceux et celles
toutes espèces confondues
qui n'ont pas de voix ni les mots
dont la bouche se tord et se fige en un cri éternel
qui fait s'extasier dans les musées
uniquement
sinon
en vrai
c'est sauve qui peut
par exemple
soudain Antonin Artaud débarquerait furieusement
pendant une exposition en son hommage
même pas il rentre
les videurs le jetteraient comme un malpropre
et si jamais
il arrive à se faufiler
c'est pire
on s'en débarrasserait mais avec les bonnes manières
discrètement
on pousse l'indésirable vers la sortie
en gardant le sourire et la voix posée
c'est ça la vérité
alors
je le dis clairement
ne pleurez plus sur nous intellectuellement
pour nous rejeter dans la réalité
dès qu'on bascule
non ne pleurez plus sur nous
pour fuir au premier débordement
acceptez plutôt appréciez à sa juste valeur
qui nous avons réussir à devenir
sans avoir jamais eu le droit d'être.



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