Camille Claudel

Camille Claudel
Les causeuses, détail.

NOUVELLE: EN ECOSSE LES PAPAS PORTENT DES JUPES

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Entrebâilla la porte
oui ?
Une femme échevelée en col roulé noir et des jeans serrant contre elle un enfant emmitouflé dans une doudoune...
aidez-nous
Fronça les sourcils.
pardon ?
Les traits tordus par de violentes émotions répéta
aidez-nous
son chuchotement pressant.
Des voix fortes aux pas lourds tournèrent leurs têtes vers l'escalier.
Refermant doucement la porte désigna un double placard dans l'entrée.
ici
Se précipitant fébrilement à l'intérieur la femme referma entièrement derrière elles.
non tira la porte à moitié s'il n'est pas fermé, personne ne pensera à une cachette
Les pas lourds s'arrêtèrent piétinant sur place, des poings tambourinèrent à la porte voisine, une voix hurla.
POLICE
Debout devant la porte sourcils froncés cependant que les pas lourds se dirigent vers la sienne sursauta quand les poings la martelèrent.
POLICE
Partit dans sa chambre revint ouvrit fronçant les sourcils.
police, bonjour madame
bonjour
personne n'est venu sonner à votre porte ?
quand ?
avant nous
je peux voir votre carte de police ?
bien sûr, on n'est jamais assez prudent de nos jours
oui secouant la tête son collègue brandit la sienne sal' époque
Les examina puis les rendit.
non, personne n'est venu sonner
si ça vous dérange pas, on va faire une vérification d'usage
et si ça me dérange ?
si on est obligé de revenir, vous en aurez pour une semaine à tout ranger
sans compter renchérit le collègue c' qui risque de s' casser
c'est comme ça qu'on applique la loi de nos jours ?
non, c'est comm' ça qu'on pallie au manque d'effectifs, bon, vous permettez ?
S'écarte.
Lui emboîtant le pas, l'un se dirige vers la gauche l'autre vers la droite cependant qu'elle attend dans la cuisine.
et voilà conclut le chef la rejoignant on aura pas à revenir pour rien
Les raccompagna.
la personne que vous recherchez... elle est dangereuse ?
plutôt oui d'une voix écœurée kidnapping d'enfant
un kidnappeur d'enfant se cache dans l'immeuble ?
une, c'est une femme
une femme ?
eh oui secouant la tête v'là où va l'monde
à deux vous ne risquez pas de la trouver, elle a déjà dû repartir pendant que vous frappiez aux portes
à deux pour fouiller, les collègues surveillent les entrées
Referma immobile les écouta frapper à la porte voisine, repasser devant la sienne, s'éloigner.








ce n'est pas vrai, c'est ma fille, je ne l'ai pas kidnappée, je ne peux pas le prouver, mais il faut me croire, dis à la dame que tu es ma fille
si c'est ma maman
je vous jure que n'ai pas pris l'enfant d'une autre, c'est la mienne
je ne vous connais pas, je n'ai donc aucune raison de ne pas vous croire tend la main je m'appelle Housia
ho surprise serra la main Marie-France, et ma fille
excusez-moi, votre fille préfère peut-être se présenter toute seule, comme une grande qu'elle est sourit non ?
si ravie moi je suis trop grande serrant la main tendue Charlotte
vous avez faim ? soif ?
merci secouant la tête mais Charlotte peut-être, je n'ai pas eu le temps de penser au goûter...
tu as faim ?
Hoche la tête.
Sort une tarte du four la pose sur la table
tu aimes la tarte aux pommes ?
oui
Ouvre le frigo.
et le jus d'oranges ?
oui
Pose la bouteille se retourne attrape un verre et une assiette.
Pendant que Charlotte goûte un ange passa la mine sombre et le pas traînant.
tu en veux encore ?
non merci
Débarrasse.
et maintenant ? Tu as envie de quoi ?
je sais pas
dessiner peut-être?
Hoche la tête.
viens, je vais t'installer











Revient dans la cuisine.
ça vous dérange si je fume ?
non
Fume rapidement et profondément.
vous ne me demandez rien ?
non
après tout d'un ton de défi je pourrais réellement avoir kidnappé l'enfant d'une autre puis ironique je pourrais être une dangereuse psychopathe
oui sourit moi aussi d'ailleurs
Silence.
Soudain explose en sanglots
excusez-moi, excusez-moi
frissonnant de la tête aux pieds.
ne vous excusez pas, il n'y a ni honte ni gêne à pleurer quand on a du chagrin
vous ne savez pas, si j'avais compris plus vite... ho si je peux avoir honte
Silence.
j'aurais dû voir la fixe haineusement tous les week ends, elle hurle, elle ne veut pas aller avec lui, se roule par terre, s'agrippe à moi, et je la gronde ! je la gronde en lui expliquant qu'elle n'a plus l'âge de ces bêtises, et je la pousse vers son bourreau...
sans le savoir
et puis un soir poursuit sans sembler l'entendre elle est dans mes bras, on regarde une cassette de Barbapapa... et elle parle...
Silence.
sous mes yeux, tous les jours, elle refait pipi au lit, hurle dans son sommeil, elle se renferme, à l'école elle s'isole aussi, non, si j'avais voulu voir je pouvais le voir
on ne voit que ce qu'on peut concevoir
oui c'était tellement inconcevable, toute ma vie, passée, présente, future, s'effondrait de partout à la fois, et j'étais si terrifiée, paralysée...
Silence.
je lui ai promis... ça fait trois ans... je perdais sa confiance à chacun de ses retours, cette situation, c'était comme si j'étais devenue sa complice
les complices sont toutes les personnes qui appliquent les droits de visites et de week ends sans vouloir écouter le désir de l'enfant
je ne sais plus ce que j'aurais dû faire... j'ai porté plainte... et tout a joué contre moi... on m'a accusée de manipuler ma fille pour me venger, me venger de quoi ? c'est moi qui ne voulais plus vivre avec lui pouffe de rire nerveusement et c'est moi qu'on condamne pour avoir refusé de la remettre entre les mains de ce, ce dépravé
Silence.
c'est la contre-expertise qui nous tuées, je suis devenue une névrosée hystérique et Charlotte était sous mon emprise affective, tout le reste, les certificats médicaux, les expertises psychologiques, les témoignages, étaient devenus des preuves de mon harcèlement hystérique
Silence.
mon avocat m'avait prévenue pouffe nerveusement depuis Outreau, plus personne ne veut croire les enfants
mais les enfants grandissent, et ils hurlent maintenant à qui veut entendre la justice qui ne leur a pas été rendue, on peut nier la parole des enfants, mais on ne pourra jamais les empêcher de dire dès qu'ils s'en sentiront la force
Silence.
quand j'ai appris que ma plainte était en voie de classement faute de preuves, c'était tellement... toutes ces expertises, ces certificats... et lui qui téléphone le lendemain, pour me dire qu'il prendra Charlotte directement à l'école, c'est là que j'ai compris...j'ai pris Charlotte de force, la maîtresse refusait de la laisser partir, mais quand on est revenu pour faire les valises et prendre mon sac, la police était devant l'immeuble, l'un d'eux m'a vue, j'ai paniqué et j'ai couru
vous envisagez la suite comment ? 
Silence.
ce que je sais c'est que cette fois je tiendrai ma promesse, Charlotte n'y retournera pas
Silence.
vous tenez à rester en France ? 
sans papier et sans argent, difficile de passer les frontières
mais pas impossible
La dévisagea interrogativement.
vous avez de la chance, je suis féministe, alors je suis informée et je suis solidaire avec toutes les autres femmes du monde, on va vous aider à quitter la France
qui ?
je pense à une personne de toute confiance, qui est avant toute autre considération du côté des enfants
quand ?
laissez-moi le temps d'organiser tout ça, pour l'instant vous êtes en sécurité ici
pourquoi faites-vous tout ça pour nous ?
parce que moi aussi, avant toute autre considération, je suis du côté des enfants










c'est moi
...
je sais, justement j'ai un service à te demander
...
descends voir s'ils sont encore là, et s'ils sont encore là, tu essaies de savoir combien de temps ils restent
...
après je t'explique, va d'abord descends, j'attends
Raccroche.












vous d'vez g'ler
Tenant un plateau.
on a l'habitude
vous avez le droit d'boir'un café non ?
Se regardent.
c'est pas de refus
merci
sans m'emmêler de ce qui m'r'gard' pas tout sourire l'immeubl' a été touillé de fond en combles, les appartements aussi, ell' a dû réussir à sortir, à quoi ça sert quand vous restez là ?
on est obligé
si ell'a filé, ça la f'ra pas sortir non plus
faut l'dire aux inspecteurs
c'est pas eux qui s'payent les courants d'air debout tout' la journée, d'ailleurs on les a pu r'vus d'puis hier
ça risque pas ricana le plus jeune ils sont de service au pied de la grue
quelle grue ?
le père de l'enfant est monté sur une grue ce matin, et il refuse de redescendre « tant que la police n'aura pas fait son travail »
ça a chauffé au bureau
du coup, on est obligé de rester ici pour montrer que la police fait son travail
Une femme chaudement recouverte tirant un cadi pousse la porte
bonjour
ouvre sa boite aux lettres
bonjour
prend le courrier le trie
bonjour
jette les publicités.
bonjour
quel temps, y a une semaine c'était l'été, et demain la météo prévoit de la neige, je vous plains mes braves
on est habitué
l'pèr ' est sur une grue reprit Nina quelle histoir' !!!
j'le comprends, moi si on touche à un de mes enfants, je deviens fou
kindappée par sa mèr' répliqua Nina ell'est pas réllement en danger, c'est sa mèr'
une femm' qui est capable de kidnapper son propr' enfant intervint la voisine juste pour s'venger de son mari, j'appelle plus ça une mère moi
comment l'apostropha vivement Nina vous l'savez ?
les infos à la télé rétorqua la voisine d'un ton sec et qui viennent en direct de la grue
en direct du pèr' quoi
je pense qu'il est bien placé pour savoir ce qui se passe
la mèr' aussi
quand on a rien à se reprocher on s'enfuit pas pousse la porte d'entrée y a pas de fumée sans feu
La regardent s'éloigner énergiquement cependant que derrière eux des voix approchent vers la porte qu'un homme pousse s'effaçant pour laisser le passage à deux femmes.
Après les salutation d'usage reprennent leur discussion
paraît qu'ell' sort d'un asile
ouvrant leurs boites aux lettres
mais non intervint le voisin d'une maison de repos
trient leur courrier
ell' y était pour des problèm' de l' tête
jetant les publicités à la poubelle.
pour dépression répliqua la deuxième voisine irritée rien à voir
ben ça s'pass' quand mêm' tapotant son crâne là d'dans
mais la dépression se contenant laborieusement répéta n'a rien à voir avec la folie
c'est vrai confirme le voisin également irrité moi après la mort de ma femme j'étais en dépression, mais j'étais pas fou
en tout cas ell' ira plus très loin, ils ont lancé le plan vigikid
ha bon, s'exclama Nina quand ?
ils viennent de l'dire aux infos
mes pauv' se retournant vers les policiers vous êt' pas près d'partir
et demain, ça neige
on est habitué
paraît que l'père m'nace de s'jeter de la grue
i' doit s'les g'ler là-haut s'intercala malicieusement Nina ça s'comprend
ne plaisantez pas intervint le voisin sèchement avec le désespoir d'un père
ha oui, et d'pis quand ça vous troue l'cœur l'désespoir d'un pèr' railla Nina quand un goss' joue dans la cour, vous cherchez la gardienn'
c'est interdit s'indigna le voisin c'est dans le règlement
ha oui, et l'm'nacer d'la prison, c'est l' règlement aussi?
si tous les enfants jouent dans la cour risqua prudemment la voisine cherchant à le soutenir en se voulant juste vous pensez au bruit ? dans la cour ça résonne
mais oui, bon ben j'r'monte tendant le plateau j'répercut' les tasses
encore merci m'dame
ça réchauffe
bon courag'













tu dessines quoi ?
un papa chat
Silence.
pourquoi tu lui mets un costume?
Hausse les épaules.
c'est un papa
ha...
Silence.
en Ecosse, les papas portent des jupes
Relève la tête fronce le nez sourit.
tu dis des bêtises
pas du tout, les papas en Ecosse portent des jupes, ils les appellent des kilts, d'ailleurs c'est le costume de tous les hommes écossais, papa ou pas
et les mamans ?
avant elles portaient des jupes aussi mais très longues qui tombaient aux chevilles
et tout de suite ?
ce qu'elles aiment
en Ecosse les papas font pas comme ils aiment?
Fronce les sourcils la regarde.
si, comme les mamans, comme les enfants, comme tous les gens, comme moi, toi, mais à condition que ce qu'on aime ne fasse mal à personne
Fronce le nez réfléchit intensément.
et si ça fait mal ?
alors c'est interdit
en Ecosse ?
partout, ici aussi, c'est interdit et c'est puni
c'est pas vrai furieuse c'est pas vrai
Silence.
pourquoi un papa chat ?
pass ils ont pas de zizi
bien sûr qu'ils en ont un
non, j'ai regardé Gémirono
comment ça tu as regardé ?
oui mais il voulait pas être gentil alors je l'ai tapé pour son bien, mais après il s'est disparu sous le lit
tu as frappé Géronimo?
oui comme ça il comprend 
il comprend quoi ?
qui doit pas bouger
Silence.
et tu crois qu'il a compris ?
Fronce le nez réfléchit intensément.
oui mais pas longtemps
moi je crois qu'il n'a rien compris, qu'il a seulement attendu le bon moment pour s'échapper
Silence.
tu aimes ?
oui, tu dessines très bien
Silence.
écoute, Géronimo est un très vieux chat, il est fragile, il ne faut plus jamais le frapper, d'accord ?
Lève la tête fronce le nez.
tu es fâchée ?
non hésite se mordant la lèvre inférieure parce que tu ne lui as pas fait du mal exprès







La porte s'ouvre lentement, la pousse s'engouffrant à l'intérieur referme promptement.
qu'ess c'qui t'prends ?
Sourit.
j'ai eu peur d'attraper un courant d'air
c'est ça
S'installent dans le salon face à un écran de télé occupant la moitié du mur. allumé mais le son en sourdine.
alors ?
i' sont pas près d'partir, l'pèr' est sur une grue et l'plan vigikid a été enclenché
le plan vigikid !!!
oui, ça parl' que d'ça à la télé, tu l'serais si t'en avais une, tu m'mets dans l'secret?
elles sont chez moi
j'm'en doutais
le père abusait de la petite pendant les droits de visites
c'qu'ell' dit ?
je la crois
pourquoi ?
j'ai parlé avec la petite, elle veut un papa sans zizi, c'est clair non ?
ell' a dit ça ?
à peu près, de toute façon, même s'il y avait un doute, il doit profiter à l'enfant pas à l'adulte, au plus fragile et vulnérable, on est d'accord?
t'énerv' pas tourna la tête s'exclama c'est lui prend la télécommande l'prè hausse le son sur la grue
Un visage énorme d'homme en colère envahit l'espace vociférant.
« je demande aux médias d'arrêter de divulguer les faux chiffres que nous sert le parti du ministère des Femmes qu'on a mis au pouvoir à grand frais de nos impôts, avec Najat Vallaud-Belkacem en tête et le ministère de la Famille par madame Bertinotti1», je suis seul sur la grue mais tous les pères en ont marre, nous refusons d'être des seconds rôles, les femmes ne veulent plus respecter les valeurs essentielles de la famille et de l'unité familiale, elles préfèrent travailler au lieu de s'occuper de leurs enfants, et après elles voudraient faire croire qu'elles y tiennent plus que nous ?
baisse, on a des choses plus sérieuses à réfléchir, Il s'agit de trouver un moyen de les sortir de l'immeuble, après tout est réglé
comment ?
elles partent en Suisse, une assos les attend, un ami qui tient un refuge à Mifranche et qui travaille avec une assos en Suisse les emmènera, il fait des allers-retours chaque semaine pour emmener des chiens adoptés par des Suisses, il est connu des douaniers, ils ne regardent même plus dans le camion
c'est où Mifranche ?
un village à deux heures d'ici
y a des barrag' partout
oui je sais, en fait il faut que ça se fasse au grand jour
en plus !!!
j'ai réfléchi sourit de l'index tapotant sa tempe fronce les sourcils tu l'as encore le cercueil ?
quel cercueil ?
quand ton grand-père est mort, l'hôpital ne voulait pas vous laisser prendre le corps pour le veiller à la gitane, alors vous l'aviez sorti en cachette par la fenêtre et ensuite vous l'aviez caché dans un cercueil pour passer devant le poste de surveillance...
et ?
vous l'avez encore?
oui
il est où ?
dans la cav' d' la jaille
super, voilà le plan : elles vont sortir dans le cercueil, laisse moi finir, on loue un corbillard, demain matin tu fais défiler quelques cousins en costume noir qui emmènent le cercueil, et on passe le relai à Mifranche
La regarde ahurie.
c'est réalisable, j'ai tout, manque que le cercueil et les cousins
t'as un corbillard ?
j'en ai loué un, le moins cher, on tient à trois dedans,plus les deux places à l'avant
et les couzins ? j'claqu' dans les doigts et ils arriv' ?
je ne sais pas moi, tu dis toujours que chez les gitanes, tout le monde est solidaire, un appelle les autres accourent même s'ils se détestent
ent'gitanes oui
dis leur que c'est comme de la figuration, ils seront payés
le corbillard, l'billet des couzins, t'as gagné l' loto?
non, les frais sont assumés par la personne qui a trouvé l'assos
c'est qui ?
moins tu en sais moins tu en diras quand on te torturera
Rient.
et ça s'rait quand ?
demain ou après demain maximum, obligé, la loge est fermée, l'oeil de Moscou viendra pas mettre son nez
Silence.
j'te dis c'soir
je savais que je pouvais compter sur toi
là j'mens pus com'j'respir' hein, j'suis pu une profiteus'
je te rassure tout de suite sourit bien sûr que si
toi tu plaisant' , on sait jamais si c'est drôl' ou pas, t'as r'marqué?
non moi je sais pouffe je trouve ça très drôle

1Propos du père monté sur la grue à Nantes, publié le 19.02.2013 sur Leparisien.fr. Propos que je sors du contexte initial, le père sur la grue dans cette nouvelle est un personnage entièrement fictif.










dans un cercueil ?
Hoche la tête.
jusqu'en Suisse ?
non, un ami prend le relai à deux heures d'ici, vous voyagerez dans son camion, cachées, avec les chiens
des chiens ?
oui, il emmène chaque week-end des adoptés en Suisse
Silence.
alors ?
...on n'a pas vraiment le choix...
non
...mais si Charlotte a trop peur dans le cercueil ? deux heures c'est long...
je vais lui expliquer
Quitte la cuisine rejoint le salon s'assoit à côté de Charlotte regardant un livre de peintures.
ça te plaît ?
Hoche la tête.
tu te souviens quand je t'ai dit que la loi interdit et punit  l'observe qui la fixe attentivement fronçant le nez le problème ce n'est pas loi, elle existe, le problème ce sont les grandes personnes qui doivent interdire et punir, tu me suis ?
Hoche la tête.
ces grandes personnes ont peur d'entendre ce que disent les enfants comme toi, et tu sais pourquoi ?
oui, ils ont peur de mon papa qui les tue
Fronce les sourcils soudain sourit.
oui, mais mes amiEs et moi nous n'avons pas peur du tout de ton papa, alors on va vous aider à partir toi et ta maman, comme ça il ne saura jamais où vous êtes, jamais, et il ne pourra plus venir te chercher le week-end, tu me suis toujours ?
Hoche la tête.
j'ai une idée, tu vas me dire si tu penses en être capable, pour partir d'ici il faut que ta maman et toi vous vous cachiez dans un cercueil fronce les sourcils tu sais ce que c'est un cercueil ?
c'est la maison de mamie
voilà réfléchit à la vitesse de la lumière répète voilà se mord la lèvre inférieure précisant c'est la maison des mamies et des papis qui ne vivent plus sur la terre
oui, ils attendent
ils attendent quoi ?
pour aller au paradis
Hoche la tête pensivement.
tu savais pas ?
non, justement je me demandais ce qu'ils faisaient dedans
je t'ai dit maintenant
oui, sinon pour revenir à mon idée, tu penses être capable de te cacher dans un cercueil pendant deux heures ?
c' est combien deux heures ?
ça dépend, quand on fait ce qu'on aime c'est très vite deux heures, par contre, quand on doit faire ce qu'on pas envie, ou se cacher, c'est très long
Silence.
aussi, ce sera petit, tout noir, mais tu seras contre ta maman, et deux heures même quand c'est long c'est toujours seulement deux heures, pas plus, je te dis la vérité, mais après, après ta maman et toi vous serez en sécurité, et ton papa ne pourra tuer personne parce qu'il ne saura jamais où vous êtes, jamais, je te laisse réfléchir







mais dépêche bordel
c'est bon, risque pas de tirant une civière d'un corbillard partir sans nous
Foncent au pas marathonien.
Tandis que l'un tient la porte l'autre s'engouffre dans le hall.
bonjour messieurs
Les policiers répondirent d'un mouvement de tête.
bon alors se tenant devant l'interphone fouille dans sa poche merde, j'ai laissé les papiers dans le corbillard, tu t'rappelles du nom ?
Jeffry ? Mettry ?dans le genre non ?
Une ado surgit silencieusement en rollers dans le hall glissa jusqu'à l'interphone plaqua son passe tirant la porte regarde interrogativement les deux hommes
on trouvera sur place, c'est au sixième, merci
qui s'engouffrent
merci
se dirigeant vers l'ascenseur.
L'index en attente
quatrième ?
devant les touches des étages.
sixième
ha, comme vous étiez tout en noir avec une civière, je pensais que vous veniez pour le cercueil
oui on vient pour le cercueil
alors c'est au quatrième, c'est là où j'habite
y a un cercueil au quatrième ?
oui
bon ben c'est là
Silence.
Les portes coulissent.
au revoir, et comme on dit chez nous, Inna lillahi wa inna ilayhi raji'oune 2
La regardent s'éloigner.
t'as compris quèqu' chose ?
ouais secoue la tête j'ai compris que c'était du bougnoul
Sonne à la porte resonne.
qu'est-ce qu'on fait ?
laisse-moi réfléchir
Silence.
on a le choix, appeler le boss et se fair' chauffer pour le retard, ou emmener le cercueil comme prévu, on a encore le temps en fonçant d'arriver à l'aéroport
t'as raison, faut limiter les dégâts, allez hop

2 à Allah nous appartenons et à Lui nous retournerons










Tambourine à la porte.
qu'ess-ce qui s'pass'?
tes cousins
ils arriv'
non, ils sont partis sans nous
qu'ess tu d'élir'encor'? I'viens d'les avoir, ils arriv'
impossible, le cercueil est parti
quoi ?
le cercueil hurlant IL EST PARTI SANS NOUS
ho, tu t' calm', ok ?
d'accord d'accord plissant les yeux serre les dents je me calme
comment ça il est parti?
je suis descendue, je remonte, plus de cercueil
t'es descendue où?
en face, acheter une litière, viens, descends, viens voir avec tes yeux, peut-être j'ai halluciné, la tension, j'en sais rien, descends vite avec moi
Claque la porte dévalant quatre à quatre l'escalier.
alors ?
Silence.
ben...
Silence.
t'es partie longtemps ?
un quart d'heure maximum
Silence.
on descend, les flics l'ont vu passer, obligé, il n'a pas pu disparaître, je regarde mon courrier et tu te renseignes
Appelle l'ascenseur. Les portes coulissent. Une femme se pousse dans le fond.
bonjour
bonjour
bonjour se mordant furieusement la lèvre inférieure ajoute d'une voix tendue vous allez bien ?
Sous le regard stupéfait de Nina tentant de capter le sien.
pas l'choix renifle la voisine les yeux larmoyants faut faire avec
oui fronce les sourcils répète distraitement faut faire avec
au moins il aura pas souffert longtemps
un cadeau de dieu intervint Nina se signant c'est comm' ça qui faut l' prend'
tant mieux acquiesce machinalement en effet
Silence.
ce monde marche sur la tête reprenant le fil de sa pensée à voix haute la voisine s'indigne une heure de retard, vous vous rendez compte, mêm' plus le respect des morts, ils vont m'entendre
chez nous, on veill' nos morts sur plusieurs jours, comm' ça tout l'mond' pass' quand il veut
non c'est pas ça renifle c'est les pompes funèbres que j'attends, pour qu'ils emmènent le cercueil
Se regardent.
ils doivent répéta Houzia emmener le cercueil?
il voulait être enterré au pays mais c'est mal parti, l'avion décolle à seize heures
S'exclamèrent
L'avion ?
d'une seule voix.
la Zingazie c'est pas la porte à côté
en grimace Houzia Zingazie ?
L'ascenseur atterrit les portes coulissent.
c'est pas trop tôt s'exclame furieuse la voisine une heure que j'attends
Face à elles deux hommes en noir dont l'un tirant une civière.
allez vite montez poursuit la voisine l'avion n'attendra pas
Cependant que Nina intimait à ses cousins d'obéir avec forces mimiques derrière la voisine.









Assises dans les escaliers.
Houzia se mordant furieusement la lèvre inférieure la regarde
on suit le plan, faut les rattraper c'est tout
interrogativement.
Nina pianote sur son portable.
mes, fa com dice ela, nos ancontramos com dimos
Raccroche.
c'est de l'espagnol ?
non du gitane, un m'lang' de catalan et d'espagnol à not' manièr', à l'oreill'
à l'oreille ?
pas à l'écol' quoi
ça s'entend, on ne comprend rien
c'est fait pour









Le corbillard se rangea en double file aussitôt s'engouffrent précipitamment par l'arrière repoussant la portière en même temps que le véhicule redémarre.
no és la bono taüt, nostro esquera al aeroporto, hay atrapar-lo
no és el bono?
no, és real, nostro esquera al veritable corbillard
tu me traduis ?
un veritable?
un veritable taüt
un veritable mort !?!3
si
tu me traduis ?
Freine brutalement assailli par des klaxons furieux le chauffeur descend la vitre sors la tête hurlant 
MOUKAVE ENCULE OU TU VA CRAYIAVE TES MOULOS4
pointe le majeur tandis que l'autre main vire en douceur stationnant sur le côté se retourne
ma soeur, t'es bosch, et les amria ?
soutenu par le deuxième cousin
c'est marimé ma sœur
se signant tous les deux.
c'est un gadjo5
Roulent en silence.
je peux chuchote Houzia comprendre aussi ?
pas l'moment
Rallumant le contact conduit en silence soudain bifurque se garant devant une boulangerie. Le deuxième cousin s'expulse nerveusement de son siège sans refermer se dirige rapidement vers la boutique poussant la porte.
Houzia se penche vers Nina.
qu'est-ce qu'il fait?
il va ach'ter du pain
il a faim ?
non, c'est à caus' du mort
Claque la portière, coupant le pain en morceaux les partage entre tous. Nina et les cousins fourrent les morceaux dans leurs poches imités par Houzia.
Nina chuchota
une protection cont'les fantôm' 


3Traduction :
ce n'est pas le bon cercueil, le notre est parti à l'aéroport, faut le rattraper
pas le bon ?
non, c'est un vrai, le notre est parti avec le vrai corbillard*
un vrai ?
un vrai cerceuil
un vrai mort ?
oui
4Traduction : cours ou tu vas manger tes morts
5Traduction :
ma sœur, tu délires/ tu es folle, et les malédictions ?
c'est impur ma sœur
Hausse les épaules.
c'est un non gitan
 

Le corbillard se propulsa silencieusement se faufilant habilement entre les voitures.
la route ma soeur ?
ils ont dû sortir porte d'Ortéans et prend' l'autorout', c'est la seul' rout' direct'
Les abords de l'aire du péage grouillaient de voitures et motos de police.
mat' l'uniform', c'est la BG
Nés en laboratoire et privés de tout lien affectif depuis leur conception, blonds aux yeux bleus, de taille identique, le dos droit dans leurs armures antiterroristes, impressionnants de froideur et discipline, la brigade des Clones contrôlait les papiers des individus ainsi que l'intérieur de chaque véhicule.
l' grand jeu ma soeur
Descendit la vitre.
bonjour
bonjour
vos papiers d'identité et votre permis s'il vous plaît
Sort un porte-feuille de sa poche intérieure cependant qu'un deuxième clone contournant le corbillard tirait la portière arrière balayant d'un regard impénétrable les deux femmes assises autour d'un cercueil.
bonjour
Nina gémissant en se balançant d'avant en arrière larmoya
bonjour
reprenant ses lamentations de plus belle s'arrachant les cheveux.
bonjour
vos papiers s'il vous plaît
je l'accompagne, c'est son père
Examinant les deux cartes minutieusement les observe toutes les deux puis leur rendant les salue d'un geste de la main à la tempe repoussant la portière..
Le cousin remonta sa vitre alluma le contact s'engageant sur l'autoroute.
ça là, ce qui vient de se passer, tu sais ce que c'est demanda Houzia poursuivant c'est un bon présage pour la suite, ton portable s'il te plaît
Nina le lui tendit.
tu veux pas d'télé, pas d'portab', mais la télé et les portab' des aut' ça y va hein
Pianote sur le clavier.
oui, c'est moi
...
si si, on a juste un peu de retard mais on arrive
.
on arrive on arrive, à tout à l'heure
Raccroche.
faut foncer se mordant la lèvre inférieure répéta faut foncer
Nina hurla en direction de la fenêtre de séparation.
FAUT FONCER
Le corbillard s'envola tandis que deux nez écrasés contre les vitres arrières guettaient les voitures dans un silence tendu..
J'LE VOIS hurla Nina LA, DEVANT EN PREMIÈRE FILE
oui, oui c'est un corbillard, c'est lui
En une embardée insensée qui les secoua tous les trois violemment le corbillard s'inséra dans la troisième file le pied sur la pédale s'imposant dans la deuxième
on y est presque
en quelques secondes rattrapa l'autre corbillard ralentissant à son allure
on lui fait sign' de s'arrêter
klaxonna furieusement..
Deux têtes d'hommes se tournèrent découvrant éberlués deux femmes grimaçantes leur faisant des signes.
Les dépassèrent se calant juste devant eux roulant ainsi jusqu'à la première aire de repos où à coups de clignotants et de signes de mains encore plus frénétiques, l'autre corbillard fut invité à les suivre.
Ralentit freina puis coupa le moteur.
Bondissant de l'arrière Houzia fonça. vers l'homme qui approchait.
Il y a eu une erreur, ce n'est pas le bon cercueil, vous vous êtes trompé, c'est le nôtre
quoi ?
le cercueil, vous l'avez pris au quatrième ?
oui
vous vous êtes trompé, c'est le nôtre
comment ça c'est le vôtre ?
oui, le vôtre désignant la porte arrière du corbillard c'est celui-là
non ?????????????
si
bordel secoue la tête fronce les sourcils de bordel de merde, c'est pas le bon ?
non, vous c'est le voisin du sixième
bordel j'y crois pas j'l'avais dit
si ça vous ennuie pas, nous sommes très pressés
et moi, il doit prendre l'avion
En un tour de main les cercueils passèrent d'une civière à l'autre prestement chargés dans leurs corbillards respectifs. Se saluant hâtivement se remirent en route.
Nina cria
faut sortir de l'autoroute dès que tu peux
pendant que Houiza dévissait le cercueil.
tu fais quoi ?
j'ouvre, qu'elles prennent un peu d'air et de lumière
et si y a un barrag' ?
on le verra arriver, et elles rentreront dans leur cercueil
c'est pas très prudent
on ne risque rien, on a fait le plus dur, sortir de la capitale, avec le corbillard et la tête de tes cousins gitans, comment veux-tu que quiconque fasse un lien avec une femme et une enfant blanches aux cheveux blonds censées être en fuite dans la capitale ?
Pose le tournevis
aide-moi
soulève le couvercle sourit.
ça fait du bien non ?
Clignent des paupières éblouies par la lumière.
soif ? Faim ?
on est arrivées ?
non pas encore
on est où ?
on y est presque, enfin pas tout de suite tout de suite non plus
S'assoit tandis que Charlotte s'extrait du cercueil.
alors ? ça va? Tu tiens ?
j'ai soif
Nina sortit d'un panier une bouteille d'eau et des sandwichs.
ho des mac donalds, super !!!!
non, des hamburgers vegan, tu vas goûter tu vas adorer
Après le pique-nique, l'un des cousins ayant un jeu de cartes, les trois femmes et la fillette trompèrent le temps et la tension en jouant.






Charlotte s'assoupit dans les bras de sa mère à nouveau allongée dans le cercueil ouvert.
et s'il n'est pas là ?
je l'ai appelé, il nous attend
on a changé de voiture à un moment ?
oui fronce les sourcils hésite imperceptiblement se décidant ajoute pour brouiller les pistes
on devrait bientôt y être non ?
on arrive, cinq minutes et on y est
Le corbillard quittant la nationale s'engagea dans un chemin qui les brinquebala pendant un bon kilomètre ce qui réveilla Charlotte et l'amusa.
Le cousin ralentit freina coupa le moteur. Des portières claquèrent. Des aboiements de chiens.
Poussant la porte Houzia sortit suivie de Nina puis des deux fugitives.
Aussitôt se dirigea tout sourire vers un homme tout sourire qui avançait vers elle à grands pas se rejoignirent dans une chaleureuse accolade.
désolée pour le retard, une histoire folle, je te raconte à ton retour
faut pas tarder, je dois rester dans mes horaires habituels, tout doit rester habituel
bien sûr
Retournant vers la mère et Charlotte, Houzia souriant fit les présentations.
l'ami qui veut veut du bien
merci serrant la main tendue la femme répéta merci
moi c'est Charlotte, comment  c'est ton nom ?
bonjour serrant la menotte tendue je m'appelle l'ami qui vous veut du bien,
mais c'est pas un nom !
et intervint Houzia pourquoi pas ?
Fronce le nez.
ha bon ?
tu sais comment on s'appelait chez les indiens ?
Hoche la tête.
c'est pas le moment des histoires dit l'ami venez
Leur emboîtant le pas Houzia poursuivit
et bien par exemple, chez les Sioux, une indienne pouvait s'appeler Donoma, qui veut dire, le soleil est là, ou encore Anaba, qui veut dire, elle rentre de la bataille, ou Huyana, qui veut dire, pluie qui tombe
tandis que Charlotte s'étonnait
en un seul mot on peut dire plusieurs mots en même temps ?
fronçant le nez.
bien sûr, quand tu seras en Suisse, regarde dans le dictionnaire, tu verras tout ce qu'on peut dire en un seul mot
tu viendras me voir ?
S'accroupit à sa hauteur.
oui, mais pas tout de suite
Soudain Charlotte se blottit contre Houzia qui l'enlaça affectueusement murmurant dans l'oreille..
Charlotte, ta maman a tenu la promesse faîtes, tu n'y retourneras plus jamais
faut y aller maintenant prévint l'ami faut plus tarder
La femme s'approcha de Houzia se relevant.
je ne pourrais jamais vous remercier assez
vous n'avez pas à me remercier, sans votre courage et votre volonté à toutes les deux, vous ne seriez pas ici, le reste c'est de la solidarité
on se reverra d'une voix anxieuse n'est-ce pas ?
bien sûr
on monte s'impatiente l'ami on monte





Suivent le camion des yeux jusqu'à sa complète disparition.
et voilà dit Houzia tu me prêtes ton portable ?
c'est d'venu une habitud' ma parol'
S'écarte du groupe pianotant.
bonjour Muriel, c'est moi, Houzia, c'est bon, merci, on se mail
Revient.
d'jà ?
c'était le répondeur

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